«L'ambassade du Japon en France a demandé aux médias français de faire preuve de pudeur dans le choix des images qu'ils diffusent. Le directeur du service culturel de l'ambassade remercie la France pour sa solidarité mais attire l'attention sur le fait que les images de corps de victimes, notamment, peuvent heurter leurs proches.»
Cette information était donnée ce matin, dimanche 20 mars, vers 11h30, dans le direct (au Monde, on dit le Live) que Le Monde consacre depuis plusieurs jours au cataclysme au Japon. Elle ne fait que s'ajouter aux nombreux indices du choc culturel qui a visiblement lieu dans la façon dont les médias couvrent l'événement en Occident et en Orient.
Dans la blogosphère elle-même, il arrive qu'on s'indigne, de part et d'autre. Du «sensationalisme» dans les journaux français d'un côté, de l'éventuel manque de transparence dans les médias japonais de l'autre. De fait, les informations se croisent mais ne se recoupent pas entièrement. L'accident nucléaire lui-même n'est pas couvert de la même façon.
Plus largement, l'Occident a découvert dans la surprise l'âme d'un peuple, qui réagit dans la dignité, l'ordre et le calme. Pas de pillage, un esprit de groupe inébranlable, peut-on lire souvent. Là encore, l'Orient face à l'Occident et son individualisme commun.
«Dans le pays de la paix sereine, éternellement, le peuple tout à sa joie vaque à ses affaires», écrivait l'écrivain japonais Ueda Akarina au XVIIIe siècle ( Contes de pluie et de Lune). Aujourd'hui, François Lachaud, directeur d'études à l'Ecole française d'Extrême-Orient, évoque pour Le Monde (daté du 17 mars), la «délicatesse» et la «grandeur d'âme» des Japonais.
Le Japon vit dans la conscience profonde de l'impermanence. Et François Lachaud explique que «lorsque l'on a vécu une partie importante de sa vie au Japon, ce rapport aux êtres chers et à l'univers naturel fondé sur une conscience aigüe de la précarité, des joies et des peines qu'elle procure, change de manière irrémédiable le regard que l'on porte sur le monde qui nous entoure.»
Le tsunami qui a ravagé la côte nord-est du Japon, les réactions suscitées à travers le monde, jusque sur la blogospère en Occident où un appel pour une page blanche le 18 mars circulait (ce que devient la minute de silence...Les Petites Pauses, qui n'ont pas été informées à temps, ont elles publié ce jour-là), et les incompréhensions cependant visibles devant la façon dont les uns et les autres réagissent et agissent, montrent la portée de l'interculturel, et la charge de ce «regard que l'on porte sur le monde qui nous entoure», si présente dans les langues elles-mêmes.